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Conservation marine

Restauration des récifs coralliens : reproductions sexuée ou asexuée des coraux

Restauration des récifs coralliens : reproductions sexuée ou asexuée des coraux
Publié par Elise Viau | Publié le 3 December 2020

Pourquoi restaurer les récifs coralliens ?

25% de la biodiversité marine dépend ou bien vit dans les récifs coralliens et 275 millions de personnes en dépendent directement pour vivre. Cependant, les perturbations dont ils sont victimes, telles que la montée de la température des eaux ou l’acidification des océans, sont de plus en plus fréquentes et intenses [1]. Certains coraux sont résilients face à ces problématiques mais le temps entre chaque perturbation est souvent bien trop court pour leur permettre de s’en remettre [1]. C’est pourquoi, en plus des actions contre le changement climatique et les perturbations néfastes de l’homme sur l’environnement, il y a aussi un besoin de mener des actions de restauration sur les zones les plus touchées. Pour permettre le développement des coraux nécessaires à la reconstruction des récifs, différentes techniques de restauration sont utilisées, se basant soit sur la reproduction sexuée des coraux, soit sur la reproduction asexuée de ces derniers.

 

Cycle de vie des coraux à squelettes durs (coraux scléractiniaires)

Les coraux durs, sont les coraux bâtisseurs de récifs. Le cycle de vie des coraux durs est dit biphasique [1] : ils connaîtront une phase de polype immobile et fixée au corail (Figure 1.a) et une phase de larve mobile dans l’eau (Figure 1.b).

 

Figure 1 : Les deux phases de la vie d’un corail dur. (a) phase de polype. (b) phase de larve planula. (Source : Randall et al. 2020 [1])

 

La reproduction asexuée par bourgeonnement

Chaque corail est constitué d’une multitude de polypes (1 à 3 mm de diamètre chacun) tous génétiquement identiques. Chaque polype s’autoreproduit de manière asexuée (sans fécondation) par bourgeonnement [1]. C’est-à-dire qu’une excroissance du polype « parent », appelée propagule sexuel, se développe et donnera naissance à un nouveau polype, un clone qui sera génétiquement identique au polype parent [1].

Une fois que le corail atteint un certain âge et une certaine taille, le cycle de la reproduction sexuée commence et a lieu 1 à 2 fois par an afin de conquérir de nouveaux récifs [1].

 

Quatre modes de reproduction sexuée chez les coraux

Les quatre modes de reproduction varient selon l’espèce du corail et sont : (1) la fécondation externe & hermaphrodisme ; (2) la fécondation externe & gonochorisme ; (3) la fécondation interne & hermaphrodisme ; et (4) la fécondation interne & gonochorisme. Les voici en détails :

  • Le gonochorisme est un mode de reproduction où un individu est porteur d’un seul sexe (mâle ou femelle) durant toute sa vie.
  • L’hermaphrodisme est l’opposé du gonochorisme car les individus possèdent les deux sexes ou changent de sexe au cours de leur vie.
  • Les coraux se reproduisent aussi par reproduction externe en libérant des gamètes (les spermatozoïdes et ovules) dans l’eau où la fertilisation et le développement larvaire auront lieu [1] (Figure 2).
  • Enfin, pour les espèces où la fécondation entre le gamète mâle et femelle est interne, ils libèreront une larve planula dans l’eau (appelée planulation) une fois son développement en interne accompli [1].

Figure 2 : (a). Nappe de surface corallienne multi-espèces à Lizard Island, à 07h00, le lendemain de la reproduction externe. (b). Photomicrographie d’un échantillon de la nappe de surface (a), montrant divers embryons et larves de corail. (Source : Randall et al. 2020 [1])

Pour les espèces de coraux se reproduisant par fécondation externe (Figure 2.a), la libération des gamètes est souvent synchronisée à la minute entre les individus. Cette libération de gamètes a lieu seulement une à deux nuits dans l’année et elle est corrélée avec le cycle lunaire. En effet, les photorécepteurs du corail, selon l’intensité du clair de lune qu’ils détectent, induiront ou non la libération des gamètes. De nombreux autres facteurs rentrent en compte lors de cette synchronisation, mais leur implication suscite encore beaucoup de questions de la part des scientifiques. Certaines espèces se reproduisant par fécondation interne utiliseraient des processus similaires pour coordonner la libération de larve planula.

 

Les avantages de la restauration par reproduction sexuée

Dans le récent article de Randall et al., 2020, la faisabilité et les inconvénients de la restauration utilisant la reproduction sexuée ont été discutés. Cette approche de plus en plus préconisée, consiste à générer et à déployer des coraux sexuellement produits [1].

Dans cet article, ils se sont concentrés sur les coraux qui se reproduisent par fécondation externe. En effet, la culture larvaire à grande échelle est ici possible et plus simple et rentable à réaliser que la collecte des larves de coraux qui se reproduisent par fécondation interne [1].

Un corail ayant survécu à un épisode de blanchissement présentera potentiellement des caractéristiques génétiques avantageuses comme la tolérance à la température [1]. Ayant survécu, il sera capable, par reproduction sexuée, de transmettre cette tolérance inscrite dans ses gènes à sa descendance selon la théorie de la sélection naturelle de Darwin. Cette reproduction est dite sélective car elle favorise la survie des coraux les plus résilients.

C’est pourquoi, la restauration par reproduction sexuée est intéressante. En effet, elle favorise naturellement la diversité génétique, point très important pour la survie des coraux [1]. Aussi, les approches de restauration par reproduction sexuée se doivent de favoriser la reproduction entre coraux qui ont déjà subi un stress ou pré-adaptés car il a été prouvé qu’ils résistent mieux aux stress [1].

Davantage de coraux pourraient être produits pour la restauration par reproduction sexuée en reproduisant artificiellement les cycles lunaires et saisonniers et la température optimale nécessaire à la fécondation de ces derniers.

 

La fragmentation : technique utilisée par Coral Guardian pour restaurer les récifs coralliens

À ce jour, la plupart des programmes de restauration des coraux utilisent le fait que chaque polype est capable de s’autoreproduire. Ils utilisent ainsi la méthode asexuelle de reproduction du corail pour produire de nouveaux coraux et restaurer les récifs [1].

Cette technique appelée “jardinage corallien”, ressemble à la méthode de bouturage d’une plante bien que les coraux soient des animaux. Elle consiste à prélever une petite partie du corail et à le transplanter sur des récifs dégradés ou bien sur des structures récifales artificielles [1] (Figure 3) car les coraux ont besoin d’un substrat dur pour pouvoir se développer.

Figure 3 : Actions de restauration de Coral Guardian par fragmentation sur un substrat solide (Source : Coral Guardian/Martin Colognoli)

Coral Guardian pratique une restauration par fragmentation (reproduction asexuée) mais prend en compte les critères si importants de brassage génétique et de coraux pré-adaptés aux stress. En effet, sur une même structure (Figure 3), nous plaçons des coraux provenant de différentes colonies mères afin de favoriser cette diversité génétique indispensable à la survie des coraux. La diversité des coraux sur une même structure est aussi assurée car différentes espèces de coraux y sont transplantées.

Les coraux sont très sensibles aux différentes formes de stress (choc thermique, poissons, plongeurs…). Or il a été prouvé que les coraux ayant vécu un premier stress seront plus résistants face à un second stress et donc plus adaptés pour survivre. C’est pour cette raison que Coral Guardian a adapté sa méthodologie, et transplante des coraux ayant déjà subi un premier stress.

Ces coraux sont plus résilients mais ils ne sont pas indestructibles pour autant. En effet, ils restent sensibles aux stress et peuvent en mourir. C’est pourquoi Coral Guardian continue, d’une part à optimiser et à améliorer son approche de restauration au fur et à mesure du temps pour favoriser au maximum la survie des coraux. Et d’autre part, nous continuons la sensibilisation à la protection des coraux, action clef si nous voulons réduire les stress causés par l’Homme et son impact sur les récifs.

 

Conclusion : quelles techniques de restauration pour l’avenir ?

Tout d’abord, il est important de souligner qu’aucune approche de restauration ne sera couronnée de succès sans des efforts rapides et efficaces en parallèle pour ralentir le rythme du réchauffement et de l’acidification des océans [1]. Les interventions de restauration visent à apporter un coup de pouce à la nature pour tempérer le déclin dû aux perturbations et à accélérer la récupération naturelle des récifs [1].

Il est important de noter également que le succès des interventions de restauration et d’adaptation des coraux varient entre chaque espèce, d’un lieu à l’autre, d’un récif à l’autre et d’une région à l’autre, ainsi l’écologie du site de restauration doit être étudiée en amont [1].

A l’avenir, les futures approches pour la restauration massive des coraux auraient un intérêt certain à combiner la méthode traditionnelle de fragmentation (reproduction asexuée) avec les progrès réalisés concernant la production sexuelle de coraux [1].

Enfin, les approches de restauration se doivent d’être viables économiquement et réalisables techniquement pour que la restauration massive soit possible. Or concernant ce dernier point, un des inconvénients concernant les approches par reproduction sexuée,  est que de nombreuses pistes de recherches scientifiques restent encore à étudier afin de parvenir à la meilleure restauration possible [1].

 

[1] Randall, C. J., Negri, A. P., Quigley, K. M., Foster, T., Ricardo, G. F., Webster, N. S., … & Heyward, A. J. (2020). Sexual production of corals for reef restoration in the Anthropocene. Marine Ecology Progress Series635, 203-232.

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