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L'impact du changement climatique

Le bilan carbone des coraux

Le bilan carbone des coraux
Publié par Coral Guardian | Publié le 21 February 2022

Écrit par Jeanne Kault, Florina Jacob, Olivier Detournay. 

Remerciements à Eric Röttinger.

 

Les récifs coralliens couvrent une surface de  284 300 km2 (Spalding et al., 2001), soit moins de 0,1 % de la surface des océans. Et pourtant, ils comptent parmi les écosystèmes ayant la plus grande biodiversité, accueillant des milliers d’espèces d’organismes.  

Au regard des défis climatiques actuels, le stockage et la libération de carbone au sein des océans interrogent sur le rôle des récifs coralliens dans la balance de carbone. Les coraux sont capables de capter, libérer et d’accumuler du carbone sous diverses formes (HCO3, CO2, CaCO3…) et à travers divers mécanismes, tels que la photosynthèse faite par leurs microalgues appelées zooxanthelles, la respiration et la calcification.

Pour déterminer la balance carbone chez les coraux, il est important de considérer la différence entre la quantité de carbone absorbée et celle libérée en conséquence du métabolisme des coraux (Tambutté et al., 2011). 

D’un côté, il y a le carbone fixé lors de la photosynthèse des zooxanthelles, ainsi que lors de la formation du squelette sous forme de carbonate de calcium (CaCO3). De l’autre côté, du carbone est libéré sous forme de dioxyde de carbone (CO2) à travers la respiration des coraux et le processus de calcification. 

La quantité de carbone fixée à travers la photosynthèse est grosso modo identique à celle libérée à travers la respiration des coraux. Il en résulte une balance neutre du carbone liée à ces processus (Frankignoulle et Gattuso, 1993).  Par conséquent, et par souci de simplification, notre discussion se concentre sur le carbone séquestré et libéré à travers le processus de formation et d’accumulation des squelettes coralliens.

 

 

Les coraux : puits de carbone (C) et sources de dioxyde de carbone (CO2)   

La calcification chez les coraux (ou formation du squelette en CaCO3) libère du CO2 lors de l’évacuation des ions hydrogènes (plus de détail, sur ce lien). Lorsqu’une unité (appelée « mole » en chimie) de CaCO3est produitepar calcification,0,6 unités de CO2sont libéréesdans la colonne d’eau (Wareet al., 1992).

Cette valeurestune estimation, et ellepeutvarierselondes facteurs telsque la composition et l’abondance d’espèces au sein du récif (Tunnicliffe, 1983;Kayanneet al, 1995), la couverture corallienne, entre autres facteurs (Tambutté et al, 2011). 

Sur le terrain, des mesures ont été effectuées sur un récif, considéré comme un récif type, à Moorea (Gattusoet al.,1993 ; Tambuttéet al., 2011), où cette libération de CO2est estimée à 1,5 mmole/m2par jour. Si l’on utilise ces résultats du récif type pour avoir un approximatif global, cela équivaut à 155,65 Gigamoles CO2/an à l ‘échelle globale (Spalding et al, 2001). De ce fait,les récifs principalement dominés par les coraux sont une sourcede CO2(Allemand,2019). En considérant seulement la portion de carbone dans le CO2, l’émission de carbone due au processus de calcification de l’ensemble des récifs est estimée à 1,86 Mégatonnes de carbone par an (1 mole CO2= 44 g).

Pourtant, les récifs sont également capables d’accumuler de manière continue du carbone sous forme de CaCO3, qui constitue leur squelette calcaire.  Selon le travail des chercheurs Frankignoulle & Gattuso (1993), cela représente un puits de carbone avoisinant les 70 à 90 Mégatonnes de carbone par an.   

En résumé, les récifs coralliens libèrent 1,86 Mégatonnes de carbone par an lors de la calcification, alors que l’ensemble des récifs coralliens du monde sont capables de stocker entre 70 et 90 Mégatonnes de carbone par an par l’accumulation du CaCO3 dans leur squelette. Au regard de ces informations, lestockage net de carbone par les récifs coralliens est compris entre 68,14 et 88,14 Mégatonnes de carbone par an en considérant à la fois la libération de CO2 et le stockage de CaCO3 impliqués dans la formation et l’accumulation des squelettes coralliens.Encore une fois, cela est une approximation basée sur les valeurs de référence, et peut changer selon chaque écosystème, comme mentionné précédemment.

 

 

Quel devenir pour le carbone absorbé et accumulé par les coraux ?

Une grande partie du carbone formera le socle des récifs coralliens par l’accumulation continue du squelette calcaire. Le devenir de ce véritable puits de carbone est encore relativement mal compris. On sait cependant qu’une partie de ce carbone constituera durablement le socle du récif corallien (flèche grise, Figure 1A); tandis qu’une partie sera réintroduite dans la chaîne trophique à travers l’érosion biologique (p.e. l’action de gratter et de perforer les squelettes coralliens par des organismes vivants; flèche verte, Fig 1A). Enfin, une certaine quantité, par dissolution naturelle du récif sera libérée dans l’eau (flèche noire, Fig 1A). 

L’acidification des océans, due à l’augmentation anthropique du taux de CO2 atmosphérique, vient mettre à mal l’équilibre entre ces processus (voir article sur le sujet). Une quantité supérieure de CO2 dans l’atmosphère implique une majeure absorption par les océans, ce qui engendre une augmentation de la quantité d’ions hydrogènes présents dans l’eau. Plus il y a d’ions hydrogène, plus le milieu devient acide et interfère avec les mécanismes en jeu comme la calcification. Il en résulte une calcification diminuée (flèche orange, Fig 1B), une augmentation de la dissolution du corail (flèche noire, Fig 1B) et une érosion globale de la biodiversité.

 

Schéma simplifié des échanges de carbone au sein des récifs coralliens

Schéma simplifié des échanges de carbone au sein des récifs coralliens

 

Figure 1. Schéma simplifié des échanges de carbone au sein des récifs coralliens dans le scénario de base (A, haut) et  dans un scénario d’acidification des océans (B, bas). Les flèches montrent la direction de libération ou séquestration du carbone dans chaque processus. Source : Coral Guardian.

  

Conclusion   

Ces estimations du bilan carbone au sein des récifs coralliens désignent ces derniers comme puits de carbone. Bien qu’ils libèrent du CO2, les coraux sont capables d’accumuler une quantité supérieure de carbone sous la forme de carbonate de calcium (CaCO3) dans leur squelette calcaire. Cependant, la formation et l’accumulation des squelettes coralliens sont compromises par l’acidification des océans dû au changement climatique, qui accélère la dissolution des squelettes et ralenti le processus de calcification, menaçant le socle de tout un écosystème.

Néanmoins, il est important de ne pas réduire la valeur des récifs coralliens au simplerôle de stockeurs ouémetteurs decarbone. Ils hébergent une énorme biodiversité et offrent une protection côtière tout en soutenant les activités économiques aux communautés directement ou indirectement.  Le défi commun du changement climatique, avec l’acidification et l’augmentation des températures des océans, entre autres, modifie leur fonctionnement et nous oblige à améliorer notrecompréhension, à entreprendre des mesures d’adaptation à ces changements, et à changer nos habitudes au quotidien. 

 

  

Pour en savoir plus :

Allemand, D. (2019). Les coraux et le changement climatique. Océan et Climat – Fiches scientifiques, p.3649. Available on: https://ocean-climate.org/wp-content/uploads/2019/09/Fiches-scientifiques-2019.pdf

Frankignoulle, M., & Gattuso, J.-P. (1993). Air-Sea CO2 Exchange in Coastal Ecosystems. In R. Wollast, F. T. Mackenzie, & L. Chou (Éds.), Interactions of C, N, P and S Biogeochemical Cycles and Global Change (p. 233248). Springer. https://doi.org/10.1007/978-3-642-76064-8_9

Gattuso, J.-P., Pichon, M., Delesalle, B., & Frankignoulle, M. (1993). Community metabolism and air-sea CO2 fluxes in a coral reef ecosystem (Moorea, French Polynesia). Marine Ecology Progress Series, 96, 259267. https://doi.org/10.3354/meps096259

Gattuso, J.-P., Frankignoulle, M., & Smith, S. V. (1999). Measurement of community metabolism and significance in the coral reef CO2 source-sink debate. Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America, 96(23), 1301713022. 

Kayanne, H., Suzuki, A., & Saito, H. (1995). Diurnal changes in the partial pressure of carbon dioxide in coral reef water. Science (New York, N.Y.), 269(5221), 214216. https://doi.org/10.1126/science.269.5221.214

Spalding M.D., Ravilious C., Green E.P. (2001) World Atlas of Coral Reefs. Prepared at the UNEP World Conservation Monitoring Center. University of California Press. Berkeley, USA. Site internet : https://archive.org/details/worldatlasofcora01spal/page/2/mode/2up  

Tambutté S.,  Holcomb, M. Ferrier-Pagès C., Reynaud S., Tambutté E.,  Zoccola D., &  Allemand D.  (2011). Coral biomineralization: From the gene to the environment. Journal of Experimental Marine Biology and Ecology, 408(12), 5878. https://doi.org/10.1016/j.jembe.2011.07.026

Tunnicliffe, V. (1983). Caribbean Staghorn Coral Populations: Pre-Hurricane Allen Conditions in Discovery Bay, Jamaica. Bulletin of Marine Science, 33(1), 132151. 

Ware J. R., Smith S. V. & Reaka-Kudla M. L., 1992. Coral reefs: sources or sinks of atmospheric CO2? Coral Reefs 11:127-130. 

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